L'esprit de la noyée

Publié le par Elen

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Conte des Orcades de Sigurd Towrie,traduit par Jean-Louis Laurin

 

 

Une nuit, il y a longtemps, au grand manoir de Scar, sur l'île de Sanday, la jeune fille préposée à cette activité entra dans la cabane où étaient les vaches pour les traire.

Comme elle le faisait chaque jour depuis déjà quelques années, elle apportait son tabouret, son seau et une lampe à huile pour s'éclairer dans cette étable miteuse.

Elle posa son tabouret sur les dalles du sol et s'assit auprès de la première vache. Elle murmura quelques mots pour apaiser la bête indifférente, puis elle glissa le seau sous le pis gonflé. Elle avait soigneusement accroché sa lampe à un pieu à sa gauche. La lumière vacillait faisant danser les ombres autour d'elle comme des diablotins fous.

Elle avait à peine commencé à traire la vache que la faible lumière de la lampe s'éteignit.

Bien que n'ayant pas peur du noir - les hivers dans les Orcades sont particulièrement longs et sombres - le cœur de la jeune fille se mit à faire des bonds dans sa poitrine. En tâtonnant dans cette impénétrable obscurité, elle se dirigea vers sa lampe pour la rallumer, mais à peine s'en était-elle saisie que la petite flamme se réanima. En poussant un soupir de soulagement, la jeune fille se laissa tomber sur son tabouret en regardant avec un peu de nervosité les stalles une à une. Rien ne bougeait.
"Dieu merci," marmonna-t-elle, "mais une nuit aussi calme que celle-ci, c'est sûrement un petit coup de vent !"

Comme elle surveillait du coin de l'œil sa petite lampe, une main noire et spectrale apparut dans l'air et éteignit à nouveau la lampe. En laissant échapper un cri perçant, la jeune fille envoya promener le tabouret et se rua hors de cette étable noire, renversant du même coup le contenu du seau.

Les gens de Sanday étaient à peu près certains que l'esprit dans l'étable devait être celui d'une indienne que le mauvais Laird de Scar avait épousé lors d'un séjour dans l'Est. On disait que lors de son voyage de retour, sa nouvelle "épouse" avait insisté pour l'accompagner. Mais pendant ce voyage fatidique, le Laird eut quelques doutes sur l'accueil qu'on lui ferait en le voyant accompagné d'une amoureuse étrangère. Finalement, dans un mouvement de panique, il précipita l'infortunée créature par-dessus bord. Depuis ce jour, il était maudit.

Publié dans contes

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