Délicates fleurs

Publié le par Elen

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Le vent sifflait à l'extérieur comme une incantation maléfique.Toute la cellule d'enquête venait de se rassembler en urgence dans la pièce carrelée.Parmi les derniers arrivés,l'inspecteur Oriodifro ne passait pas inaperçu.Culminant au-dessus su mètre quatre-vingt-dix,le crâne lisse et laiteux à l'instar d'une plaine lune et des yeux rouges à l'image du diable dans les meilleurs jours.Oriodifro ne tranchait pas seulement parce-qu'il était albinos,mais aussi par ses manières singulières.Et ce soir-là,il comprit en entrant dans la pièce qu'il était attendu avec beaucoup d'impatience, pour apporter un peu de lumière à cette étrange affaire.Les suspects étaient là,tous alignés devant lui.Jamais en quinze ans de carrière,il 'en avait vu des comme ça.Certes,il avait cotoyé les pires des prédateurs,mais aucun ne lui avait donné la nausée qu'il ressentait en cet instant.Avec le temps,il pensait avoir vu toutes les horreurs dont les hommes étaient capables.Mais lorsqu'ils avaient découverts le premier corps,il avait su qu'il en était loin.Etaient ensuite venus les six autres cadavres.Même pas des femmes...seulement des jeunes filles.Les photos de leurs corps dénudés,mutilés,ne cessaient de le hanter.Depuis six mois qu'ils avaient commencé l'enquête,aucune piste n'avait abouti.Pourtant,Oriodifro ne se décourageait pas.C'était comme un serment fait pour lui-même,mais surtout pour les jeunes filles.Il pouvait citer leurs noms,la couleur de leurs cheveux ou la date à laquelle on les avait retrouvé,seulement de mémoire.

Jenny Stenford,dix-sept ans,rousse et le yeux bleus,retrouvée le dix-sept mars sur un chemin de terre débouchant de la forêt;Mary Grint,quinze ans,rousse aux yeux verts,retrouvée le quinze mai dans un fossé;Margaret Anderson,belle rousse de quinze ans aux yeux bleus,également retrouvée dans un fossé;Samantha Gassy,dix-neuf ans,rousse et les yeux noirs,retrouvée le vingt six juin sur une colline surplombant sa demeure;Julie Feire,une rousse de treize ans aux immenses yeux émeraudes,retrouvée le dix juillet dans un pré;Laura Harris,dix-sept ans,les yeux verrons et rousse,retrouvée le trente août dans un parc à côté du restaurant où elle avait l'habitude de venir déjeuner.

Oriodifro savait que pour excercer un tel métier,il devait mettre ses sentiments de côté.Cette fois-ci pourtant,il n'y arrivait pas.Quelqu'un s'en prenait à des enfants,ce qu'il ne pouvait tolérer.Les enfants avec leurs apparences chétives sont les anges de l'avenir de monde,ce qui en ce sens en font des êtres sacrés.

Se tournant vers les enquêteurs présents dans la pièce,Oriodifro désigna de l'index un des portraits accrochés au mur.

- Jason Black est connu des services de police depuis une vingtaine d'années.Il a été condamné à quinze de réclusion pour le meurtre d'une jeune fille en 1986.Elle a été retrouvé violée et étranglée.A côté,nous avons Igor Horper,condamné à perpétuité pour meurtre et libéré il y a un an pour bonne conduite,ceci après trente ans d'emprisonnement.Et enfin,David Brdford,suspecté de meurtre il y a trois ans mais aucune preuve n'a pu venir confirmé que c'était bien l'assassin.Ces trois hommes sont nos suspects pour les six meurtres qui nous intéressent seulement nous n'avons aucun élément permettant de les confondre.Je veux qu'ils soient tous surveillés nuits et jours .Je veux savoir tout ce qu'ils font.Je vous rappelle les faits:les victimes sont jeunes,de sexe féminins et rousse.Si un de ces hommes s'approche à moins d'un mètre s'une femme rousse,vous l'arrêtez illico.C'est compris?

- Oui,

- Dans ce cas,rentrez tous chez vous dormir un peu.Demain,je ne tolérerai aucune erreur.

Ses coéquipiers ne se firent pas prier.Personne n'avait dormi une nuit complète depuis que l'on avait établi avoir affaire à un tueur en série.Ressentant les affres de la fatigue,Oriodifro arracha les photos des suspects et les fourra dans un dossier qu 'il rangea dans son sac,avant de sortir.

 

 

 

 

Ailina aimait la nuit.Elle aimait se promenait dans le noir,invisible,se faufilant comme un spectre dans les rues désertes.A vingt ans,beaucoup de femmes auraient peur de déambuler ainsi,seules dans la ville ou les bois alentours lorsque la nuit était tombée.Mais pas elle.Ailina ressentait un tel sentiment de liberté qu'elle aurait souhaité que les nuits ne connaissent jamais de fin.Pourtant,en traversant la route la séparant de son immeuble,elle eut la certitude que cette nuit était différente des autres.Le vent soufflait plus fort que d'ordinaire et un épais brouillard obscurcissait l"horizon.Elle s'arrêta un instant et leva la tête vers le ciel pour tenter de voir les étoiles.Malheureusement,elle ne put distinguer une masse grisâtre.Décidée à poursuivre son chemin,elle sentit une pression sur son épaule.En se retournant ,elle aperçut une forme longiligne.La voix qui s'adressait à elle lui indiquait qu'elle avait affaire à un homme.Son coeur se mit à battre plus que de raison.

- Excusez -moi mademoiselle,mais je souhaitais vous die combien vous êtes séduisante.

Ailina sentit son coeur manquer un battement.Sans doute était -elle naïve,mais sûrement pas à ce point là!Etant donné qu'elle ne voyait ni les étoiles ni son visage,l'inconnu n'avait certainement pas pu la voir voir et encore moins remarquer chez elle un quelconque beauté.

- Merci,répondit-elle.

-Quel est votre nom?

- Ailina.

-De quelle couleur son vos cheveux?

-Cuivrés.

- Quel âge avez-vous?

-Ecoutez,s'impatienta-t-elle,je suis désolée,mais je dois partir.

Comme pour la retenir,il posa à nouveau sa main sur son épaule.

- Répondez-moi!exigea-t-il en haussant le ton.

- Lâchez-moi.

-Répondez-moi!

Se sentant prise au piège,Ailina se retourna et griffa son agresseur au visage avant de lui donner un vigoureux coup de pied dans l'entrejambe.

Puis,elle s'engouffra à l'intérieur de son immeuble avant de s'enfermer à double tour dans son appartement,tremblante de peur.

 

 

La douleur s'étant quelque peu dissipée,il se redressa de toute sa hauteur.Les rousses se prénommant Ailina et habitant l'immeuble en face de lui ne devait pas se bousculer.Il reviendrait plus tard.

 

Oriodifro arriva au commissariat à six heures du matin.Le vent de la veille avait laissé place à une légère brise matinale.Le soleil de l'aurore rougeoyait à l'horizon,parant la ville de mille couleurs.Le carré de fleurs devant le commissariat étincelait.Les gouttes de rosée suspendues à leurs pétales scintillaient.Lorsqu'il pénétra à l'intérieur du bâtiment,une excitation générale régnait.

- Burt,interpella-t-il.Que se passe t-il se matin?

-Quelqu'un t'attends dans ton bureau.

-Et c'est ce qui vous met tous dans cet état?

-Lorsque tu verras,tu comprendras.

De plus en plus intrigué,l'homme se dirigea d'un pas rapide vers son bureau.Quand il ouvrit la porte,sa peau blanche devint grisâtre.Serrant les mains sur ses genoux,une jeune femme lui tournait le dos.En l'entendant,elle se leva d'un bond,comme foudroyée.Claquant la porte derrière lui,il vint s'asseoir en face d'elle.

Ailina ne savait que savait que passer de cet homme.Ses yeux et sa peau lui flanquaient la frousse mais elle lui trouvait un charme envoûtant.

-En quoi puis-je vous être utile?lui demanda-t-il.

-J'ai été agressé hier soir et l'on m'a dit de m'adresser à vous.

-Que s'est-il passé exactement?

-Il était près de vingt trois heures et je marchais dans la rue.J'allais...

-Seule...la nuit?

-Oui.Cela vous dérange?interrogea-t-elle en fronçant les sourcils.

-Non...poursuivez.

-Je n'y voyais rien à cause du brouillard et j'allais rentrer chez moi,quand un homme m'a abordé et m'a posé d'étranges questions.

-Du genre?

-Il voulait connaître mon nom,mon âge,la couleur de mes cheveux...

-Lui avez-vous répondu?

- Je lui ai dit mon prénom et que j'avais les cheveux cuivrés...

-Et ensuite?

-Je ne lui ai pas répondu quand il m'a interrogé sur mon âge.J'ai voulu rentrer dans mon immeuble mais il m'en a empêché,lors je l'ai griffé et je lui ai balancé un

coup de pied très bien placé.Puis,je suis rentrée chez moi et ce matin,je suis venue ici.

-Pourquoi avoir attendu aussi longtemps?

-J'étais fatiguée.

-Je vois,répondit-il pensif.Avez-vous vu cet homme?

-Non.Je vous ai dit qu'il y avait du brouillard.Je peux seulement vous dire qu'il était grand et qu'il portait un long manteau.

-Où l'avez-vous griffé?

-Sur la joue gauche.

-Très bien.Je vais vous raccompagner chez vous.

Le trajet s'effectua dans un silence total.

Oriodifro tenu absolument à l'accompagner à l'intérieur.Lorsqu'il pénétra dans l'appartement,il fut surpris par la chaleur apaisante qui s'en dégageait.

Remarquant une enveloppe sur le sol,Ailina la ramassa et l'ouvrit.Avisant la soudaine pâleur de son visage,l'inspecteur lui arracha le papier des mains.Une seule phrase était écrite:"Je sais où tu habites".Elle était signée du sobriquet grotesque :"L'ombre de ta nuit."

Ne pouvant se résoudre à la laisser seule,il décida de la placer sous protection policière.Il l'installa dans un petit hôtel avec deux policiers en civil.Les chambres n'étaient pas très confortables,mais il valait cela que d'être morte!pensa t-elle.

 

 

 

Quel coup du sort,pensa-t-il.Par un incroyable destin,il avait fallu qu'Oriodifro soit présent lorsqu'elle était rentrée et qu'elle avait découvert la lettre.Et maintenant,elle était surveillée par la police.

Tant pis!Cela prendrait le temps nécessaire,mais il l'aurait ses pensées dériver au loin.

 

 

Cela faisait environ deux heures qu'Oriodifro avait laissé Ailina à l'hôtel et ses pensées ne cessaient de le ramener vers elle.Il était bien obligé d'admettre que la frêle de la jeune femme la troublait.Ce n'était pas que la première fois que cela lui arrivait,mais habituellement les femmes préféraient l'éviter.Il voyait dans leurs yeux la peur que leur procuraient ses yeux rouges et sa peau blanche.Mais avec elle,c'était différent.Elle n'avait pas l'air effrayé...au contraire.

Depuis plus d'une demi-heure qu'il lisait la même page,Oriodifro en arriva finalement à la conclusion qu 'il n'aurait jamais dû la laisser.

 

Ailina s'ennuyait.Tourner en rond comme un loin dans sa cage n'était pas une de ses activités favorites.Elle n'avait même pas le droit de s'approcher de la fenêtre.Et pour couronner le tout,les policiers chargés de la protéger la laissait seule.

La jeune femme allait s'asseoir sur le lit quand elle entendit frapper à la porte.En ouvrant,elle se retrouva face à un homme aux cheveux bruns hisurtes tenant une boîte carrée dans sa main droite.

-J'ai une pizza pour mademoiselle Scott,déclara-t-il laconiquement.

Ailina prit la boîte et paya le jeune homme.Les deux flics en bas étaient plutôt sympa finalement!Elle alluma la télé et s'installa sur son lit.Elle prit une part de pizza en écartant les peperonis pour qui elle avait une aversion particulière,lorsqu'elle remarqua un papier blanc dépassant sous la part d'à côté.Elle tira dessus et resta bouche bée.Une nouvelle lettre.De nouveau,une seule phrase:"Lorsque je viendrai te voir,je sais que je te trouverai délicieuse.L'Ombre de ta nuit."

Quand un nouveau coup retentit à la porte,elle crut s'évanouir.Surmontant la peur qui grandissait en elle,elle se leva et posa la main sur la poignée.

-Ailina ouvrez!C'est Oriodifro.

Le souffle qu'elle avait retenu jusque-là s'échappa alors de ses lèvres.

Oriodifro s'était attendu à tout,sauf à la trouver dans cet état.Ses cheveux flamboyants étaient emmêlaient ,ses yeux brillaient et son teint était cireux.Elle ne semblait encore tenir debout que par une quelconque magie.Et le tremblement qu'il pouvait déceler dans sa voix ne le rassurait pas outre mesure.

-Tout va bien,Ailina?

-Non.

-Que se passe-t-il?

Elle lui tendit la feuille et vit l'expression de son visage se modifier.

-Comment avez-vous eu cette lettre?

-Un type a livré une pizza et elle était dedans.

-Vous avez commandé une pizza?demanda-t-il éberlué.

-Non.

-Où sont les policiers chargés de votre protection?

-Ils surveillent les alentours.

-Très bien,venez avec moi.

Elle prit son sac et le suivit à sa voiture.Etrangement,elle se sentait en sécurité.Cet homme ne la mettait plus aussi mal à l'aise que la première fois où elle l'avait rencontré.La gentillesse et la prévenance dont il faisait preuve avaient eu raison de ses apprioris.

Oriodifro arrêta la voiture devant une immense bâtisse.Ailina en descendit et observa quelques instants la majestueuse demeure.

- Où sommes nous?questionna-t-elle.

-Chez moi...personne ne vous trouvera,ici.

Il l'aida à installer ses affaires et regretta de ne pouvoir rester.Il lui promit toutefois de lui téléphoner dans la journée alors que de son côté,elle promit de n'ouvrir à personne.

 

 

Assis derrière son bureu,Oriodifro observait les photos et les rapports d'autopsie des six victimes.A part la couleur de leurs cheveux,elles n'avaient rien en commun.Il allait se servir un café quand un policier vint déposer un nouveau dossier sur son bureau.

-Jeffers,dit-il ,j'ai installé mademoiselle Scott chez moi.Appelez la pour savoir si tout va bien.Je devais le faire mais j'ai trop de travail.

-D'accord.

-Je vous remercie.

Une demi-heure après que Jeffers eut refermé la porte après lui,il fut de nouveau dérangé dans son travail.Une jeune fille d'environ dix-sept ans,les cheveux roux et les yeux verts pénétra dans la pièce.

-Excusez-moi,dit-elle,je cherche mon père et l'on m'a dit que vous pourriez me renseigner.

-Comment t'appelles-tu?

-Amanda Jeffers.

-Jeffers?!Comme Stanislas Jeffers?

-Oui.

Oriodifro décrocha son téléphone et composa le numéro de son domicile.Au bout de la sixième tonalité restée sans réponse,il sortit en criant d'envoyer quelqu'un chez lui,puis grimpa dans sa voiture et démarra en trombe.

 

Ailina savait qu'elle ne devait pas ouvrir mais cet homme été envoyé par Oriodifro.Lorsqu'il se pencha à son oreille et murmura"Quel âge avez-vous?",elle eut un haut-le-coeur.Cette voix...elle ne l'avait entendue qu'une seule fois auparavant.La nuit de son agression.

Ailina ne pouvait fuir par la porte d'entrée,l'homme lui barrant le passage de toute sa stature.Elle s'enfuit donc vers le premier étage mais elle n'avait aucun endroit où se cacher.Elle entendait l'intru grimper l'escalier.Il prenait son temps.Ses chaussures claquaient sur le parquet lustré et enfin,il apparut dans la pièce où elle se tenait,un couteau à la main.Il allait s'emparer d'elle quand d'autres pas résonnèrent près d'eux.Oriodifro apparut et sans perdre un instant commença un puissant corps à corps avec l'inconnu.Lorsque Oriodifro se retrouva sur le sol,blessé,Ailina crut sa dernière heure venue.Mais à peine avait -elle baissé les paupières qu'une puissante détonation retentie.Après quelques secondes,elle entendit un bruit sourd et ses yeux se rouvrirent d'eux-mêmes.L'inconnu était au sol et ne bougeait plus.Oriodifro non plus.Elle se précipita vers le téléphone et composa le numéro des urgences.

 

Il y avait trois semaines que cette tragédie était arrivée et il ne comprenait toujours pas ce qui l'avait provoqué.Jeffers était policier et il tuait des jeunes femmes ressemblant à sa fille.Il devait s'habituer à ne jamais comprendre.

Lorsqu'il sentit le vent sur son visage,il s'aperçut qu'il ne restait presque plus rien de l'été.Les arbres avaient perdus leurs couleurs,les fleurs leurs pétales.Pourtant,il était heureux de pouvoir enfin sortir de l'hôpital et lorsqu'une magnifique chevelure rousse se retrouva devant ses yeux,il ne put s'empêcher de sourire.Son parfum lui avait tellement manqué.

- Alors Oriodifro,dit-elle,arrête de rêver!On y va?





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